J'étais dans le bus. Rentrais chez moi...
Journée dure, les cours trop barbant, j'avais envie de parler à personne...
Et il s'est approché de moi.
Ces gens là, dans le bus n°33, on les reconnait facilement. Sourire presque niais, regardant tout le monde, adressant la parole à n'importe qui sous les regards moqueurs et honteux des autres passagers. Normal: leur centre psychiatrique est sur le trajet du bus...
Ce jour là, c'est moi qu'il a choisi.
Un homme, la trentaine. Le regard heureux, le sourire bizarre, la démarche hésitante. Assez "normal" et autonome pour qu'on le laisse sortir du centre, mais pas assez pour totalement se mêler à la foule.
J'étais coinçé entre lui, devant moi, une vitre, sur mon coté, et la porte du bus, derrière moi. Sur mon deuxième côté, les gens outrés qui vous regardent comme si on se connaissait, lui et moi.
Son sourire s'élargit. Trop "anormal", trop "enfantin" pour un gars de la trentaine. Je le regarde, lui sourit en retour, et détourne la tête. Me concentre sur la route...
"J'ai trouvé un appart' " Il me dit.
Je le regarde. C'est bien à moi qu'il s'adresse, son sourire trop heureux sur la bouche. Je lui sourit encore.
"C'est bien, je suis content pour vous..." Je lui réponds.
"Je viens de le visiter !" Il rajoute.
J'aquiesce. Que faire d'autre lorsqu'on n'a pas envie de parler. Lorsque c'est un inconnu quelque peu différent de ce que l'on s'attend qui vous parle comme s'il avait trouvé le plus fabuleux trésor du monde.
"Cool..." Je lui sourit à pleines dents. Sincérement, je ne savais pas pourquoi. Ca ne m'interressait pas. Mais bon... Partager un moment de joie avec quelqu'un, même si ce n'est pas la notre, ce la fait toujours plaisir à l'autre.
C'est son arrêt, je le laisse descendre. Une chaleur intense au niveau du plexus. Sentation presque euphorique. Les autres passagers du bus me regardent bizarrement, comme si j'avais été contaminé. En effet, je me sens différent d'eux, qui sont presque honteux pour moi...
Je regarde l'homme rentrer au centre, un pas entrainant, sans doute dansant pour lui. Mais heureux. Et je retourne dans mon anonymat, un petit sourire sur les lèvres, un arrière gout de "sympa", méler de "bonne chance" dans l'esprit.
Et mes pensées me remportèrent plus loin...
Je l'ai revu quelques jours plus tard. Il m'a vu arrivé de loin. Il attendait son bus, je marchais assez vite pour prendre le métro...
Il a fait un pas en avant, vers moi. Je n'ai pas ralentit. Je l'avais vu du coin de l'oeil. Il n'est qu'un inconnu. Il souriait, comme on sourit à un ami. Je ne suis qu'un inconnu.
Je suis passé devant lui et j'ai continué ma route. J'ai vu son sourire s'éffacer. Mais je ne le regardait pas.
Ce n'était pas de l'indifférence, l'ami... C'était un tremplin pour que tu comprennes. Je ne suis qu'un inconnu avec qui tu as partagé un moment de joie. Un homme parmi tant d'autre, comme toi. Et j'avance, seul. Tu n'as pas besoin de moi. Tu es assez "normal", et autonome, pour avancer, seul.
Le monde avance sans toi, et te laisse derrière, si tu ne fais pas l'effort d'avancer aussi, sans le monde.
Le monde n'a pas besoin de toi pour exister, fais en de même... Agis comme lui, tu seras comme lui. Agis comme lui, et tu seras le monde.
Tu seras dans le monde...
Seulement...
L'as-tu compris ?